Le M.E.P.R.O.G.

Mon Enfant Progresse-t-il ?

Un décret qui en casse 2 autres

Trois décrets majeurs sont porteurs du système actuel.

-le Décret École de la réussite (14-03-95)

-le Décret Missions (24-07-97) + référentiel Socles de compétences (1999)

-le Décret-Cadre (13-07-98)

Vous trouverez la version officielle de ces textes dans la rubrique « ressources ».

Le premier d’entre eux fêtera son 20ème anniversaire l’année prochaine ! Hélas, ce ne seront pas les bougies du bonheur qui garniront le gâteau au regard du piètre bilan général de notre système d’enseignement. Certes, la Fédération Wallonie-Bruxelles pourra monter sur un podium mais pas sur celui qu’elle espérait. Nous sommes en effet les champions du monde des inégalités scolaires, au coude à coude avec la Flandre et la France.  Quelle fierté !

Pourtant les intentions, les directives, dirais-je plutôt, car c’est un Décret tout de même, étaient claires et les objectifs à atteindre très ambitieux :

Article 3.

Toutes les écoles fondamentales maternelles et primaires sont tenues de mettre en place pour le 1er septembre 2000 au plus tard, un dispositif basé sur une organisation en cycles permettant à chaque enfant:

1° de parcourir la scolarité d'une manière continue, à son rythme et sans redoublement de son entrée à la maternelle à la fin de la deuxième année primaire;

2° de réaliser sur ces périodes les apprentissages indispensables en référence à des socles de compétences définissant, après concertation avec les organes représentatifs des Pouvoirs organisateurs, le niveau requis des études.

Article 4.

Toutes les écoles fondamentales et primaires sont tenues de mettre en place pour le 1er septembre 2007 au plus tard, un dispositif basé sur une organisation en cycles permettant à chaque enfant:

1° de parcourir la scolarité d'une manière continue, à son rythme et sans redoublement, de la troisième à la sixième année de l'enseignement primaire;

2° de réaliser sur ces périodes les apprentissages indispensables en référence à des socles de compétences définissant, après concertation avec les organes représentatifs des Pouvoirs organisateurs, le niveau requis des études.

Le deuxième d’entre eux, le « Décret Missions » reprend en son sein les directives concernant les rythmes et ajoute des impératifs pédagogiques :

Article 15 . (modifié par D. 03-03-2004 ; D. 07-12-2007)

- Chaque établissement d'enseignement permet à chaque élève de progresser à son rythme, en pratiquant l'évaluation formative et la pédagogie différenciée.

Les deux piliers du système actuel reposent donc sur le respect des rythmes et trois axes pédagogiques : la continuité des apprentissages, l’évaluation formative et la pédagogie différenciée. Mais ce sont des bases solides tout de même ?

Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné ?

Tout simplement parce que le système n’a jamais été évalué et réajusté, faute de volonté politique et d’écoute des acteurs de terrain, notamment des directions d’école qui ont très vite compris que la mise en œuvre des deux premiers textes était compromise par certaines dispositions du  Décret Cadre.

Que contient ce fameux troisième décret, appelé communément « Décret-cadre » ? (liste non exhaustive)

-les horaires des élèves, des enseignants, des directions

-le calendrier scolaire et le nombre de jours de classe

-le système de surveillances

-les concertations obligatoires des enseignants

-les modalités d’organisation des cours spéciaux (langues, cours philosophiques, psychomotricité, éducation physique, …)

-la préparation des leçons  (Chap III-Sect 2 § 4)

-le « capital périodes » : système qui permet de calculer combien d’enseignants pourront être engagés en fonction du nombre d’élèves comptabilisés en primaire

-l’encadrement en maternel

-la formation en cours de carrière des enseignants

Comme vous le voyez, ce texte est un « décret mammouth ».  Il parle à la fois des élèves, des enseignants, de l’organisation générale de l’école, de la formation, des cours spéciaux, etc

Il est tellement lourd qu’il est difficile à analyser.  Je m’y suis frottée et l’ai comparé aux exigences des deux autres textes.

1)Le « Décret cadre » ne peut garantir le respect des rythmes des élèves.

Voici mes principaux constats :

-Le calendrier annuel fixé par le « Décret cadre » est tout à fait contre-productif.  Pour les chrono-biologistes, le rythme idéal pour un écolier serait une alternance de sept semaines de cours et de deux semaines de congé. Cela favoriserait la compréhension, la capacité de concentration et le développement intellectuel de l’enfant. La question du déséquilibre entre semaines de cours et périodes de vacances n’est pas neuve. Le dossier a bien été déposé sur la table des politiques à plusieurs reprises, mais il n’a jamais trouvé d’issue favorable.

-Les rythmes hebdomadaires et journaliers imposés aux élèves sont également des facteurs d’échec.  Il faut savoir que le temps scolaire pour un élève du primaire est divisé en 28 périodes de 50 minutes. Ce morcellement du temps est un non-sens car il est nuisible à l’intelligence des enfants et empêche d’entrer « pour de bon » dans les activités proposées, suscitant un effet de zapping constant.

Dans les communes à facilités, où l’apprentissage des langues est plus conséquent, on en arrive parfois à une journée de ce type :

8h25 : Cours philosophique avec un maître spécial

9h15 : Éducation physique avec un maître spécial

10h05-10h20 : Récréation (obligatoire)

10h20 : Mathématique avec le titulaire

11h10 : Néerlandais avec un maître spécial

12h00-13h30 : temps de midi (une heure minimum obligatoire)

13h30 : Activités d’Éveil (Histoire, géographie, sciences)  avec le titulaire

14h20 : Activités d’Éveil avec le titulaire

14h45 : Récréation (facultative)

15h00 : Néerlandais avec un maître spécial

Comment voulez-vous que les enfants puissent APPRENDRE dans une telle organisation ! Et imaginez un élève un peu désordonné qui doit constamment changer de cours, de farde, de livres.

2)Le Décret-Cadre ne peut garantir la CONTINUITÉ des apprentissages.

 Cette CONTINUITÉ des apprentissages peine à se concrétiser comme l’ont constaté les Inspecteurs de l’enseignement au fil de leurs investigations dans les écoles.

  • Extrait du  Rapport établi par le Service général de l’Inspection au terme de l’année scolaire 2011-2012 p.8 point 3.2.2

Un deuxième constat est porté par l’inspection des niveaux maternel et primaire et concerne la continuité des apprentissages. On le sait, dans les rapports précédents, l’inspection a insisté sur les difficultés que pose la mise en place de cette continuité. Le rapport rédigé au terme de l’année scolaire 2010-2011 se concluait d’ailleurs en ces termes : « On l’a vu au-delà des avancées réalisées, il semble que l’une des difficultés majeures sur le plan pédagogique rencontrées par les acteurs de terrain réside dans la planification continue des apprentissages. […]. "

Ainsi donc, le constat est posé : le premier axe pédagogique, un des trois piliers du système actuel, n’arrive pas à se concrétiser.  Cela est très grave.

Les causes sont à rechercher principalement dans l’organisation des écoles en classes d’âge (thème déjà abordé sur ce site) mais pas seulement. Car pour assurer la continuité dans les classes et entre les classes, il est impératif que les enseignants se concertent.  Et cette CONCERTATION est bien prévue dans les textes. Mais décréter est une chose, concrétiser en est une autre.

3)Le Décret-Cadre ne peut garantir la concertation des enseignants.

énorme faille du système : Les enseignants à temps partiel.

De nombreux enseignants prestent à temps partiel, soit à mi-temps, soit à ¾ temps ou à 4/5 temps. C’est leur droit.  Oui mais, comment concilier ce droit avec l’obligation de concertation qui leur incombe également ?

Les deux cas concrets repris ci-dessous seront très éclairants :

Votre fille est en 3ème primaire.  Elle n’a pas un titulaire de classe unique  mais deux instituteurs qui travaillent à mi-temps.

Madame Ursule travaille les lundi, mardi et un mercredi sur deux ;  Monsieur Paul travaille les jeudi, vendredi et un mercredi sur deux.  Il preste les lundi et mardi dans un autre établissement.

Pour ces deux co-titulaires, il n’existe aucune base légale pour les obliger à se concerter. En effet, l’on ne peut contraindre un enseignant à venir à l’école quand il est en congé. Bien sûr, certains, par pure bonne volonté, feront le déplacement et viendront travailler avec leur collègue pendant leur temps de congé, ou après 16 heures, ou le mercredi après-midi, mais cela ne peut être garanti.

 

Votre fils est en 6ème primaire . Son titulaire travaille à 4/5 temps. Il preste donc 19 périodes sur les 24 que compte un temps plein.  Les 5 périodes restantes seront attribuées à un autre enseignant, qui, bien souvent prendra les enfants en charge le … vendredi. Chaque vendredi donc, votre enfant se retrouve devant un autre enseignant pendant que son titulaire est en congé. A quel moment cet enseignant pourrait-il se concerter avec le titulaire ? Quand l’un travaille, l’autre est en congé ! C’est donc mission impossible ! On pourrait aussi se poser la question des compétences qui sont déléguées à cet enseignant qui ne se voit confier les enfants qu’une seule journée par semaine. Parfois (même souvent), il lui est demandé de dispenser des matières qui « déplaisent » au titulaire principal : bien souvent les problèmes, les mesures de grandeurs,  le savoir-écrire, ... Compétences très complexes à mettre en œuvre.

Cette impossibilité de concertation est très grave pour les enfants car, pendant une année, le risque existe qu’il n’y ait aucune continuité programmée entre leurs différents apprentissages. Chaque enseignant dispensera peut-être ses cours sans aucun lien avec ceux de son collègue.

Le Décret cadre n’a aucune réponse à apporter à ces situations pourtant « hors-la-loi ».  Le système prôné par ce décret ne fonctionne que si tous les enseignants travaillent à temps plein ou sur base volontaire.  Cela n’est pas sérieux.

4)Le Décret-Cadre ne peut assurer la formation continuée obligatoire de ses enseignants à temps partiel

Article 16. - remplacé par D. 11-07-2002 ; modifié par D. 08-03-2007 ; complété par D. 12-12-2008

Les cours sont suspendus pendant six demi-jours maximum afin de permettre aux membres du personnel :

1° de participer aux deux demi-jours de formation obligatoire visés parmi ceux de l'article 7, § 2, alinéa 2, 1°, et § 3, alinéa 2, 1°, du décret du 11 juillet 2002 relatif à la formation en cours de carrière des membres du personnel des établissements d'enseignement fondamental ordinaire. Ces demi-jours de formation sont dispensés par le Service de l'Inspection de l'Enseignement fondamental ordinaire;

2° de participer à quatre demi-jours de formation obligatoire visés parmi ceux de l'article 7, § 2, alinéa 2, 2°, et § 3, alinéa 2, 2°, du même décret. Par dérogation à l'alinéa 1er, le Gouvernement peut, pour permettre l'organisation d'une journée supplémentaire de formation motivée par des circonstances exceptionnelles et organisée conformément à l'article 3, § 1er, 3°,

suspendre les cours pendant deux demi-jours.

En cas d'emploi à temps partiel, le membre du personnel nommé ou engagé à titre définitif ou désigné ou engagé à titre temporaire n'est tenu de participer aux demi-jours de formation obligatoire visés aux alinéas 1er et 2 qu'à la condition qu'ils soient inclus dans son horaire.

Nonobstant le fait que le nombre de jours de formation obligatoire est tout à fait ridicule (3 jours), un enseignant à temps partiel pourrait pendant une année scolaire ne participer à aucune concertation et aucune formation.  On en arrive tout doucement à la piètre qualité de notre enseignement en Belgique.

5)Le Décret-Cadre ne peut garantir la qualité de l’enseignement.

Nonobstant le fait que le nombre de jours de formation obligatoire est tout à fait ridicule (3 jours), un enseignant à temps partiel pourrait pendant une année scolaire ne participer à aucune concertation et aucune formation.  On en arrive tout doucement à la piètre qualité de notre enseignement en Belgique.

La qualité de l’enseignement repose d’abord sur la qualité des leçons qui sont dispensées aux élèves.  Ces leçons nécessitent une préparation minutieuse qui devrait idéalement se faire en équipes (souvenez-vous de la continuité).

On est loin du compte.

Le Décret-cadre n’est pas très prolixe à ce sujet :

Article 18.

§ 4. Les temps de préparation des leçons, de correction des travaux, de documentation, de mise à jour personnelle ne sont pas compris dans les maximas visés aux §§ précédents. Ils relèvent de l'organisation personnelle de travail des membres du personnel. Le directeur, le pouvoir organisateur et l'inspection peuvent se faire produire les documents attestant de la préparation des cours et activités éducatives.

Le Décret-Cadre relègue donc à domicile cette tâche essentielle de préparation. Mais comment préparer chez soi des activités qui sont censées être menées en cycles ?

Alors bien sûr, le système étant ce qu’il est, on obtient le meilleur et le pire : certains enseignants vont passer des heures à préparer leurs activités, négligeant parfois leur vie de famille, pendant que d’autres feront le minimum légal en complétant leur journal de classe  ou recopiant celui de l’année précédente, en en modifiant uniquement les dates (mais oui, ça existe !).  D’autres encore estimeront qu’ils ont « tout dans la tête » et qu’un journal de classe ne leur est pas nécessaire.

Quelques-uns se contenteront de compléter un journal de classe qui fait référence à des fiches ou des leçons « copier-coller d’internet ».  Que dire du travail de certains enseignants qui préparent leur « journal de classe » pour toute la semaine, ou pis pour deux semaines ou un mois ? Où se trouve la place pour les ajustements ? Les enseignants sont-ils devins ?  Comment connaître à l’avance ce qui posera problème à certains enfants ou ce qui fonctionnera très bien?

Franchement, cela manque encore une fois de sérieux.  Or, les enfants ont droit à un enseignement de qualité.

Autre question : Qui vérifie ou plutôt « peut vérifier » ces documents de préparation ?

Le texte stipule que le directeur, le pouvoir organisateur et l’inspection peuvent « se faire produire les documents… ». Uniquement se faire produire mais pour qu’en faire ? Certainement pas pour évaluer…la qualité.

Nous sommes ici dans l’illusion la plus complète.  Combien de directions d’écoles et/ou de pouvoirs organisateurs s’intéressent aux préparations de cours de leurs enseignants ? Et si bien même les directions voulaient s’y intéresser (à supposer qu’elles en aient matériellement le temps), leur champ de manœuvre serait très restreint.  Car l’on se situe là sur un terrain très glissant.  Les enseignants n’apprécient pas du tout que l’on regarde dans leurs affaires et savent aussi que la direction n’a aucun pouvoir par rapport à cela.  Autrement dit, si les enseignants ont leur journal de classe en ordre et leur registre de fréquentation bien tenu, ils sont « en règle » administrativement, quasiment intouchables.

Bien sûr, l’inspection peut intervenir lors d’une visite de classe mais cela reste de toute façon insuffisant.

Pour les pistes de solution : voir rubrique AGIR.

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